Quelques semaines après la sortie de son second album « Itinéraire Bis », Flynt nous a accordé un entretien téléphonique pour Radio Campus Grenoble. Rencontre avec l’indépendance.
SC : Salut Flynt. Comment ça va ?
Flynt : Ca va pas mal, j’ai eu des jours meilleurs mais on va dire que ça va.
Peux tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?
On m’appelle Flynt, je suis un MC parisien et j’ai sorti deux albums : le premier en 2007 qui s’appelle « J’éclaire ma Ville » et le second « Itinéraire Bis », sorti il y a deux mois. J’ai grandi dans le 18ème arrondissement de Paris. J’ai commencé à écrire vraiment en 1995. Mes premières apparitions marquantes, c’était sur « Skunk Anthology »,« Explicit 18 », « Quality Street » , que des mixtapes en fait. Explicit 18, c’était mon premier projet en tant que producteur, que j’ai co-produit et réalisé. On a sorti la K7 en 1998-1999 et le CD est sorti en 2001.
Pourquoi avoir commencé par produire une compilation ?
Tu sais, ça s’est fait comme ça, je n’ai pas trop calculé. On aimait le rap, on trouvait que réunir les MC du 18ème était une bonne idée parce qu’il y avait beaucoup de monde, beaucoup de MC. Ce quartier, c’est quand même un des berceaux du rap français. Je ne savais pas du tout comment on produisait à l’époque, mais c’est vraiment par la volonté, l’envie et la passion, qu’on a réussi à faire ça.
On retrouve la Scred Connexion dessus. C’est avec eux que tu commences à rapper ?
Non, ce n’est pas du tout avec eux que j’ai commencé. On habitait juste dans le même quartier et je connaissais Mokless parce que je travaillais avec lui. On a fait ce morceau pour « Explicit 18 » mais c’est avec d’autres personnes que j’ai commencé le rap. Et Choc Frontal, c’était mon premier clip et mon premier morceau solo. Et paf, ça passe sur MTV, c’était une bonne suprise. On avait eu des bons retours sur cette compile, on s’était plutôt bien débrouillés.
En 2004 et 2005, tu sors les maxis « Fidèle à son contexte » et « Comme sur un playground ».
Oui c’est ça. A l’époque, le maxi vinyle était encore la référence pour découvrir des artistes dans le rap. Aujourd’hui, on trouve encore des gens qui font des vinyles mais on ne voit plus de nouveaux MC qui arrivent avec un maxi vinyle. Moi j’ai découvert la musique avec le vinyle, je découvrais les artistes rap avec ça. Donc j’ai voulu faire comme eux, en sortant trois maxis avec aussi « 1 pour la plume » qui annonçait l’album qui allait suivre, 5-6 mois derrière.
5 ans plus tard, que retiens-tu de ton premier album « J’éclaire ma ville » ?
C’était une belle aventure pour un premier album, j’ai pu faire pas mal de choses. On a fait un maxi, on a fait des concerts un peu partout en France mais aussi en Suisse, en Belgique et en Allemagne. J’ai fait un DVD, on a fait deux beaux concerts à Paris. La scène est un aboutissement pour moi. Pouvoir défendre ses morceaux en concert et prendre sa petite bande de copains pour se balader en France et en Europe, c’est plutôt cool.
Le rôle de Dj Dimé, avec qui j’ai partagé la réalisation de l’album et la tournée qui a suivi, a été très important. Et si j’ai pu franchir des paliers dans la préparation et dans la performance sur scène, c’est en grande partie grâce à Mehdi, qui m’a vraiment poussé pour prendre les concerts à bras le corps, pour travailler dans le but d’être meilleur et plus à l’aise sur scène. C’est une chance d’avoir travaillé avec lui de par l’expérience qu’il avait accumulé avec Diam’s, expérience à la fois de la scène mais également de tout ce qu’il se passe autour de l’évènement, dans l’organisation du concert, etc… Pour ce nouvel album, il n’a pas travaillé avec moi. Les concerts aujourd’hui je les fais avec Dj Blaiz’ aux platines.
Est-ce que les ventes du premier opus t’ont poussées à continuer ?
Non, ce ne sont pas les ventes qui m’ont poussées à continuer. En tous cas, pas ce que ça m’a rapporté, parce que ça ne m’a justement pas rapporté grand-chose. C’est aussi parce que je n’avais pas forcément l’argent nécessaire que j’ai mis autant de temps pour sortir le deuxième. Après au niveau des ventes, c’était correct mais c’est quand même un disque qui a coûté cher : faire un dvd, sortir l’album en vinyle, faire des concerts avec des mini cachets qui nous obligent à sortir des sous de notre poche. Cet album, même si il a bien marché, n’a pas été rentable. Il n’a pas pas permis de dégager suffisamment d’argent pour enchaîner sur un autre. Il a coûté cher.
“Mon deuxième album est mieux que le premier”
Tu attends mieux d’ « Itinéraire Bis » ?
Forcément, on veut toujours faire mieux. Je pense que mon deuxième album est mieux que le premier. C’est mieux au niveau des instrus, de la réalisation, du flow, de l’interprétation. Après au niveau des lyrics, c’est sensiblement la même chose. J’espère en vendre autant voire plus, mais dans tous les cas, on parle en quelques milliers d’exemplaires. Il faut remettre dans le contexte. Ce sont des disques autoproduits donc c’est sûr que c’est plus long et qu’on va forcément un petit peu moins loin. Je dis toujours qu’en tant que producteur indépendant, j’ai un plafond au-dessus de la tête qui n’est vraiment pas haut donc à un moment donné, tu ne peux pas aller plus haut. Il faudrait une plus grosse équipe, plus de moyens, plus de gens ou faire appel à une maison de disque.
Tu as déjà eu des propositions ?
J’ai juste eu un rendez-vous avec un mec d’un sous-label d’une maison de disque avec qui je ne me suis pas du tout entendu. C’est la seule petite anecdote. Sinon, aucune maison de disque ne m’a contacté et je n’en ai pas contacté non plus. J’avais décidé de faire mon projet moi-même, d’aller au charbon tout seul. Même si on n’est jamais vraiment tout seul. Je suis entouré de gens compétents dans leur domaine pour m’aider à faire le disque. J’ai mon pote graphiste qui a fait la pochette, mon pote qui a mixé, les beatmakers, ce genre de personnes indispensables pour la réalisations d’un album.
Par contre la tête pensante, le coordinateur, le producteur exécutif c’est moi. Je suis quelqu’un d’indépendant dans la vie et en plus de ça, je sais produire des disques. On en parlait tout à l’heure, j’ai commencé par la production avec « Explicit 18 » . Je sais faire et j’ai envie de faire donc c’est bien. Et c’est vrai qu’avec les maisons de disques, on n’a pas vraiment la même vision, après c’est sûr qu’en signant, j’aurai certainement pu faire des choses pour l’album que je n’ai pas eu le temps de faire. Mon album serait certainement allé plus loin mais voilà, c’est comme ça.
Tu as l’air apaisé sur la pochette de ton nouvel album, par rapport au premier. On ressent une certaine maturité .
Je dirais que le premier album était déjà très mature, le deuxième encore plus. Il ne faut pas voir un message dans les pochettes. On a fait pleins de photos et il y en a une qui ressortait. Mais c’est sûr que dans ma vie d’aujourd’hui, c’est beaucoup moins le bordel qu’en 2007 et tant mieux. Là-dessus je suis d’accord avec toi. Mais je ne dirais pas apaisé, je dirai équilibré, ma vie est plus stable. Mais encore une fois, il ne faut pas voir dans les pochettes tel ou tel message.
« Dans ma vie d’aujourd’hui, c’est beaucoup moins le bordel qu’en 2007, et tant mieux »
Il n’y a pas non plus de message dans la photo des baskets au dos de l’album ?
Ah si, là par contre si (sourire). C’est tout simplement en rapport avec le titre Itinéraire Bis, qui signifie que j’ai frayé mon chemin moi-même, que je n’étais pas sur autoroute. C’est sinueux, il y a des pentes, ça monte, il y a des virages. Les chaussures servent donc à illustrer la longueur et la difficulté du chemin tout simplement.
Du côté des producteurs, on retrouve les Soulchildren sur la moitié des titres, peux-tu nous parler de cette collaboration avec eux ? Et des autres beatmakers ?
Les Soulchildren sont pour moi les meilleurs beatmakers de France, voire au-delà des frontières. Et j’ai la chance de les connaître. J’espère que notre collaboration sera durable avec eux car on s’entend bien et les bonnes ententes font les bons titres. Sinon en terme de producteurs sur le disque, il y a Nodey qui a fait l’instru de Haut la Main et le morceau avec Orelsan, Mon Pote. Nodey c’est un tueur aussi, il ne produit pas beaucoup mais il est vraiment super doué. Il viennent de sortir une mixtape téléchargeable sur le net avec Omar. C’est vraiment du très haut niveau. Sur « Itinéraire Bis », il y a aussi Just Music, des producteurs de Marseille qui ont une touche vraiment bien à eux, ainsi que Faswinner et Angeflex qui m’ont envoyé des instrus alors que je ne les connaissais pas du tout. Je leur en ai pris une chacun. J’aime vraiment les instrus de mon album. Ca m’a pris environ 3 ans pour les trouver et les sélectionner et aujourd’hui, je ne regrette pas du tout mes choix.
Pour les feats de l’album, on retrouve Orelsan, Nasme, Dino, Taïro, Tiwony et Calamity Jeanne.
Taïro, je le connais depuis presque 15 ans maintenant, j’étais à l’école avec lui. Pour le morceau J’en ai Marre de Voir Ta Gueule, il me fallait un refrain un peu chanté et il se trouve que je ne sais pas chanter. J’ai donc appelé mon pote Taïro pour lui demander de m’aider à chanter juste. Donc il est venu pour m’aider et en plus de ça, il a fait des cœurs et des petites ambiances sur le morceau. J’aime bien l’énergie que dégage le reggae, le dancehall ou le ragga. Pour Tiwony, par rapport à Taïro, c’est un peu le contre-exemple parce que lui, je ne le connaissais pas du tout, mais je voulais son grain de voix en fait. J’avais besoin de ce type d’énergie sur ce morceau.
La collaboration avec Orelsan a étonné pas mal de monde.
Je l’ai rencontré complètement par hasard il y a deux ans et demi dans un studio. Moi, j’avais bien aimé son premier album. Je trouvais que c’était différent de ce qui se faisait, que c’était drôle et bien écrit et puis en discutant, il se trouve qu’on s’est bien entendu tout simplement. C’est vraiment ça, on s’entend juste bien , c’est quelqu’un avec qui je peux avoir une conversation. Et surtout, j’aime bien ce qu’il fait comme je l’ai dit, je trouve vraiment qu’il écrit très bien. À un moment donné j’ai voulu faire un morceau un peu plus léger par rapport aux autres morceaux qui sont un peu durs. Mais je ne lui ai pas proposé un feat le jour ou je l’ai rencontré, ce n’est vraiment pas mon genre. Il s’est passé du temps entre le moment ou je l’ai rencontré et celui où je me suis rendu compte que c’était vraiment un mec bien. Pour ce morceau plus léger, j’ai pensé à lui de manière évidente. Et c’est avec lui qu’on a cherché un thème pour le morceau, et qu’on a fini par écrire Mon Pote.
Je comprends que cela ait pu étonner certaines personnes. Forcément, on n’est pas les opposés, mais on pourrait nous opposer. Il faut rappeler qu’il est double Victoire de la Musique, il est quand même dans des sphères totalement différentes des miennes. Lui, vit à plein temps de sa musique et ne fait que ça. C’est vraiment bien ce qu’il lui est arrivé en 2012. Au début quand j’ai envoyé ma liste d’invités, les gens ont été très surpris et finalement, ils ont trouvé le morceau cohérent. J’ai aussi entendu que j’avais ça pour le buzz, pour m’accaparer son public… Si j’avais voulu faire ça, j’aurais balancé le clip du morceau depuis longtemps. Cependant je n’exclue pas de faire un clip, je n’ai pas non plus des oeillères, j’ai Orelsan sur mon album, je ne vais pas faire comme si c’était un inconnu. Beaucoup de gens aimeraient voir le morceau en vidéo et en effet, il y a un vrai potentiel pour en faire une. J’ai plein d’idées qui me viennent quand j’y pense. Il est bien plus évocateur que d’autres morceaux, donc on veut faire un clip. (Quelques mois plus tard sortaient le clip de Mon Pote, accueilli par la critique comme l’un des meilleurs clip de rap français sorti en 2013, ndlr)
C’est Tcho Antidote qui a réalisé le premier clip extrait de l’album, Haut la Main. Peux-tu nous parler un peu de cette collaboration ? Est-ce qu’on peut l’attendre à la réalisation du clip de Mon Pote ?
Non je ne pense pas qu’il réalisera Mon Pote. Tcho c’est un super gars qu’on m’a présenté quelques mois avant la sortie de l’album, je ne le connaissais pas. Il a déjà bossé pour Casey, La Rumeur, Rocé et Al qui vient de sortir un album. On s’est bien entendu, il a kiffé sur Haut la Main et il a voulu le faire. Mais j’insiste, c’est vraiment un bon gars, un bon réalisateur et quelqu’un que j’aime beaucoup.
« Le long moment qui s’est écoulé entre les deux albums a suscité une attente chez les gens malgré moi, parce que j’aurais préféré sortir le deuxième plus tôt »
Quels sont les premiers retours sur l’album ?
Globalement, ils sont très bons. Mais je me doutais bien que ce disque allait être comparé au premier. L’album « J’Eclaire Ma Ville » a marqué les esprits d’après ce que j’entends. Le long moment qui s’est écoulé entre les deux albums a suscité une attente chez les gens malgré moi, parce que j’aurais préféré sortir le deuxième plus tôt, mais c’est comme ça. Alors forcément, il y a toujours des gens qui comparent le premier album au deuxième. Moi je pense qu’il faut écouter ce deuxième album pour ce qu’il est, sans faire cette comparaison avec le premier, d’autant plus que personnellement, je préfère le deuxième, mais vraiment largement. Les avis sont partagés, mais globalement les gens ont apprécié « Itinéraire Bis ». Qu’est que vous en avez pensé vous par exemple ?
Quand on a écrit le mail à MPC production pour te passer un coup de fil, on leur a dit qu’on considérait que tu avais sorti l’uns des albums de l’année en rap français (<3, ndlr)
D’accord, merci c’est gentil.
Tu es souvent considéré comme l’un des représentants du rap indépendant. Aujourd’hui, tu travailles à côté. À l’époque du premier album, certains médias avaient écrit que le morceau La Gueule de l’emploi t’avait aidé à trouver un travail.
Je vais revenir dessus parce que ce n’est pas exactement comme ça que les choses se sont passées. Je sais ce que t’as lu et ce n’est pas un bon résumé, ce n’est pas vraiment ce qu’il s’est passé. J’ai eu un entretien, le seul que j’ai eu. Et au moment de la première étape, je sentais que ça allait tourner cours et que j’allais me faire recaler. Et là, je leur ai dit que je faisais autre chose dans ma vie avec la musique . J’ai sorti mon album que j’avais pris au cas où. Les gens se sont intéressés et m’ont posé pleins de questions et finalement la suite de l’entretien s’est bien passée. Au final j’ai eu un deuxième entretien avec le big boss qui était très curieux de ma musique et m’a demandé où il pouvait écouter ce que je faisais. Je lui ai donné l’adresse de mon myspace, qui tenait le haut du pavé des réseaux sociaux à l’époque. Il est allé voir et il est tombé sur La Gueule de l’Emploi, c’était assez drôle qu’il tombe sur ce clip là au moment d’un entretien. En tous cas, il ne m’a pas embauché parce que je faisais du rap ou pour un morceau en particulier mais ce qui lui a plu, c’est mon expérience de production, de coordination et tout le travail qui se trouve à côté de la musique. Comme je l’ai dit, ce n’est pas un morceau particulier qui m’a aidé à obtenir ce poste.
Dans le morceau La Balade des Indépendants, tu dis : « Pour moi le rap, c’est pas seulement écrire des rimes, les démarches à entreprendre, ça peut mener à la déprime ».
Ce que je veux dire, c’est qu’il y a tellement de choses à faire, c’est tellement lourd comme projet quand tu dois le mener de A à Z, qu’à certains moments, t’as vraiment envie de baisser les bras. Tu te dis mince, je vais jamais y arriver. T’as l’impression d’avoir à franchir une montagne. Il y a vraiment des périodes dans lesquelles tu as des vraies raisons d’être déprimé. Des fois, tu manques d’inspiration, t’arrives pas à trouver la bonne instru, t’es en manque de temps, en manque de sous, etc… Ça entraîne des petits instants de déprimes, il y a vraiment des journées ou t’as le moral dans les chaussettes. Mais c’est sûr que l’aboutissement rend d’autant plus fier car l’album est le fruit d’un énorme investissement et de beaucoup de risque. Je connais des gens indé qui ont mis autant de coeur, autant de temps que moi mais qui ont vraiment raté leur sortie et c’est vraiment dur quand ça se passe comme ça.
« Il est possible de faire du rap, de vendre des disques, d’avoir un public et de faire des concerts sans Skyrock »
Et dans ce même morceau tu dis : « Pour décrocher la playlist, tu sais il faut payer, c’est fou ça, j’abrège sur le sujet vu que j’ai pas le budget pour faire tout ça ».
Oui je parle de Skyrock. Mes morceaux passent dans la nocturne. Fred, passait Itinéraire Bis et Haut la Main. La Nocturne c’est la petite fenêtre pour les mecs comme moi, mais ça n’a rien à voir avec la playlist quand le morceau est matraqué 5 à 10 fois par jour. Ça ne vaut pas non plus un Planète Rap. Mais pour tout ça, il faut des sous et tu remarques qu’il n’y a pratiquement que les mecs en playlist à Skyrock qui vendent beaucoup de disques aujourd’hui. À quelques exceptions près, les mecs du top album sont tous en playlist dans cette radio, parce que c’est tout simplement la seule radio nationale de rap en France.
Et toi, tu fais peut-être partie des meilleurs vendeurs parmi ces gens qui ne passent pas à la radio à côté de groupes comme la Scred Connexion ou La Rumeur.
Je ne pense pas être l’un de ceux qui vendent le mieux. Je ne vends pas énormément de disques malheureusement. Au final, je ne sais pas trop. Les chiffres de vente, c’est toujours des sujets et des questions délicates. Tu ne sais jamais vraiment qui vend quoi et combien. Moi je ne sais pas combien d’exemplaires La Rumeur a vendu de son dernier album par exemple. Mais ce qui est sûr, c’est que je ne vends pas autant de disques qu’eux. Mais dans tous les cas la question n’est pas là, ce qu’il faut retenir c’est qu’il est possible de faire du rap et de vendre des disques, d’avoir un public et faire des concerts sans cette radio. J’en suis l’exemple parfait. Je ne suis pas le seul, il y a les groupes que tu as cités mais il y en a beaucoup d’autres. Personnellement, mon rap a rencontré son public donc à partir de là, même si les salles que je vais remplir sont des salles de 400, 500, 600 personnes, je peux profiter de ce que la musique a de mieux à offrir : faire des concerts et pouvoir en vivre sur une courte période. J’ai rien à envier aux autres groupes, je suis bien dans mon coin. Je fais comme je veux, je suis libre, je dois de l’argent à personne, personne ne m’impose de faire quoi que ce soit. Après ce qui est sûr, c’est qu’il y a toujours ce plafond au-dessus de ma tête et là je suis déjà en train de me cogner. Malheureusement, moins de gens peuvent découvrir mon disque parce que je ne suis pas sur les grands médias nationaux. Par contre, mes clips passent sur le câble et il y a internet aujourd’hui qui permet d’atteindre pas mal de gens. Mine de rien, il y a quand même Métro et le Parisien qui se sont intéressés à moi. Metro a fait une pleine page sur moi et c’est quand même un tirage à 6 millions d’exemplaires, ce n’est pas rien.
Dans le morceau HomeBoy, tu parles de ta nouvelle vie de famille.
J’ai eu deux enfant, le deuxième est tout récent, c’est pour ça que je n’en parle pas encore dans l’album puisque lorsqu’il est sorti, il venait de naître… Enfin bref, je ne sais pas si ça intéresse les gens mais j’ai deux enfants, oui (sourire) !
Dans le morceau tu dis : « Je leur offrirai le cadre de vie le plus sain possible quitte à mettre le cap loin de la scène et de mon posse ». Tu pourrais arrêter le rap pour privilégier ta famille ? C’est quelque chose que tu envisages aujourd’hui ?
À un moment donné… Déjà que là, c’est difficile de dégager du temps pour faire ce qu’il y a à faire dans la musique, entre les concerts, la promo, les clips, les réseaux sociaux. Aujourd’hui je ne peux pas tout faire, car la famille prend une grosse partie de mon temps. Si demain j’ai quatre enfants, c’est sûr que ça sera plus compliqué si le rap ne me ramène pas assez d’argent pour faire vivre tout le monde ou au moins pour assurer sur une petite période. Evidemment, je ne vais pas abandonner ma famille pour faire du rap, donc il y aura un moment où la question se posera, à moins que j’arrive à vivre de ma musique. Aujourd’hui la famille constitue clairement une priorité. La réussite professionnel est aussi prioritaire mais c’est toujours dans l’optique de combler les besoins de ta famille. Je pense que c’est pareil pour tout le monde.
« Je me considère comme un amateur qui agit de façon professionnelle »
On va finir avec des questions rapides. On voulait connaître tes 5 albums classiques de rap français.
Là comme ça, je ne saurais pas te dire, mais il y en pas mal. Je n’aime pas trop répondre à ce genre de questions parce que je risque d’en oublier certains. Certes, il y a des albums que j’arrive à réécouter tout le temps. Je pourrais te citer les quatre albums de Capone n Noreaga mais ce n’est pas du rap français. Ce sont vraiment les premiers qui me viennent à l’esprit mais encore une fois, il peut y en avoir d’autres. Pour ce qui est du rap français, il y a pleins de bons albums mais c’est dur de répondre spontanément… Peut-être « Authentik » de NTM parce que ça a été le premier album de rap français que j’ai pris en pleine tronche. J’avais déjà pris le rap américain mais c’est avec cet album que je me suis vraiment mis au rap français.
Tu sais, moi je ne m’inspire pas des autres rappeurs, je m’inspire de ma vie. Même si le rap m’a inspiré des morceaux comme Toujours Authentique ou 1 Pour la Plume, ce n’est pas un rappeur en particulier qui va m’indiquer la direction à suivre. Donc voilà, j’ai fait beaucoup de morceaux sur le rap mais ma plus grande source d’inspiration reste la vie en générale donc forcément, il y a le rap dedans. Je pense que personne ne prend d’autres rappeurs français comme modèle. Par exemple, j’apprécie Lino mais mes choix ne vont pas dépendre des siens, pas du tout.
Si le rap était du foot, te verrais-tu plutôt dans la Liga, le Calcio ou la Première League (question d’un auditeur sur facebook, Hassan, ndlr) ?
Je pense que le Calcio est le plus fort, la Première League peut-être la plus rapide et la plus spectaculaire, la Liga est attractive aussi mais il y a quand même deux équipes qui dominent outrageusement le championnat, ce qui le rend un peu moins intéressant, même si ça change un peu cette année avec le Real qui est à la traîne et l’Atlético qui est dans le coup. Mais en vérité, moi j’aime bien la Ligue 1 (sourire). Il y a mon club dans ce championnat, le PSG. Il y a des clubs que je n’aime pas, donc pour moi, c’est le plus palpitant même si les équipes sont un peu moins ronflantes.
Et moi tu vois dans le rap, je me considère comme un amateur qui fait ça de façon professionnelle par moment. C’est pour ça que j’ai du respect pour les petites équipes qui jouent en coupe de France, les DH par exemple. Les médias aiment bien railler les petites équipes de Ligue 1 comme Troyes, Caen ou des petites équipes de DH mais moi je suis à fond pour eux. Et ça me fait chier quand les médias se foutent de la gueule des équipes comme Montceau-Les-Mines, Calais, Meaux, alors que je me sens comme eux. Ils jouent le week end et je fais des concerts le week end. Comme eux, je vais aller taffer la semaine. C’est mortel ce que font ces gens-là, ils font ce qu’ils aiment, ils jouent au ballon, à un niveau qui n’est pas non plus dégueulasse mais ils ne sont pas professionnels. Soit parce qu’ils n’ont pas le niveau, soit parce qu’ils ont privilégié d’autres choses, soit parce qu’ils ont manqué de chance et moi, je me reconnais là-dedans. C’est pour ça que la Ligue 1 et les petites divisions françaises me conviennent mieux que les gros championnats européens.
Tu vas au Parc des Princes des fois ?
Ça m’arrive mais c’est rare. C’est dur d’être supporter du PSG, même si ça ronronne cette année… Mais quand t’as vécu les 16 ou 17ème places à la dernière journée c’est dur. On a quand même connu beaucoup de déceptions ces dernières années et ça a entraîné un ras le bol. Au bout d’un moment, j’ai considéré que c’était une perte de temps de regarder les matchs, on ne voyait plus le PSG flamboyant que j’ai connu plus jeune avec les Suzic, Fernandez, George Weah, Bernard Lama, Valdo, Ginola, Raï.. J’aime tellement mon équipe que la période de flottement d’après a été vraiment dur à vivre. Ça me décevait énormément et je n’arrivais plus à supporter le spectacle. En plus aujourd’hui, j’habite un peu loin du Parc des Prince. Mais oui, je suis mon équipe, je suis les matchs évidemment. D’ailleurs pour Grenoble, j’étais content quand ils sont montés en Ligue 1, c’est dommage ce qu’il s’est passé après…
S’en suit une petite conversation sur la tragédie du foot grenoblois.
Tes projets Flynt ? Le prochain album sortira dans 5 ans ?
Je ne sais pas. Là, je suis sur la tournée et notamment un concert à Paris au New Morning le 8 février. On va aussi à Bruxelles, à Metz, à Genève, à Mulhouse, à Brest. Sinon je suis en train de préparer une mixtape qui sera une rétrospective de mes morceaux avec les plus connus et les moins connus. Et puis je vais écrire des nouveaux titres pour un éventuel prochain album, mais avant de parler du prochain il faut écouter « Itinéraire Bis ».
Le mot de la fin ?
Merci pour l’interview. Bonjour à tous les auditeurs de Grenoble et big up à tous ceux qui étaient au concert de Saint Martin d’Hères en 2008, je crois que c’était un des meilleurs concerts de ma vie. On avait joué sur le campus et c’était vraiment une super date. J’aimerais justement revenir à Grenoble, on est en pleine discussion pour ça.
Propos recueillis par Antoine Fasné avec une intervention de Julien Palisse